Le symbolisme correspond à une réaction contre le matérialisme scientiste, dont la forme littéraire triomphante au XIXème siècle est le naturalisme : celui-ci est accusé de ne proposer qu'une vision mécaniste de l'homme et de l'univers, enclose dans une description objective.
C'est au contraire à la suggestion que s'attacheront ces jeunes poètes qui partagent encore du Romantisme le pessimisme désabusé : Charles Cros, René Ghil, Jules Laforgue s'appelleront d'abord Décadents, pour saluer en Verlaine, qui affectionnait ce mot, leur figure de proue, puis accepteront d'être fédérés sous la bannière du Symbolisme.
Le mot est proposé par Jean Moréas, qui utilise ici l'étymologie du mot symbole (« jeter ensemble ») pour désigner l'analogie que cette poésie souhaite établir entre l'Idée abstraite et l'image chargée de l'exprimer.
Pour les Symbolistes, le monde ne saurait se limiter à une apparence concrète réductible à la connaissance rationnelle.
Il est un mystère à déchiffrer dans les correspondances qui frappent d'inanité le cloisonnement des sens : sons, couleurs, visions participent d'une même intuition qui fait du Poète une sorte de mage.
Le symbolisme oscille ainsi entre des formes capables à la fois d'évoquer une réalité supérieure et d'inviter le lecteur à un véritable déchiffrement : d'abord voué à créer des impressions - notamment par l'harmonie musicale - un souci de rigueur l'infléchira bientôt vers la recherche d'un langage inédit.
L'influence de Mallarmé est ici considérable, qui entraîne la poésie vers l'hermétisme.
Le Symbolisme renoue avec les aspects les plus ésotériques du Romantisme, mais proclame surtout sa dette à l'égard de Baudelaire.
Rimbaud, connu un peu plus tard (« passant considérable », dira Mallarmé), avait, dans sa Lettre à Paul Demeny (1871), orienté la poésie vers la recherche d'une langue qui soit « de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant.»
Mais c'est en Verlaine que les Symbolistes salueront leur chef de file, en raison d'une écriture dont l'Art poétique (1874) prescrit les règles.
«La Poésie est l'expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence : elle doue ainsi d'authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle.»
Ces lignes de Mallarmé assignent à la Poésie une mission qui dépasse très largement la «littérature» : le Poète n'est pas celui qui nomme ou qui décrit, il est l'intermédiaire entre les hommes et les secrets de l'Univers.
Son évocation de "mystères" par le pouvoir du symbole fait de lui le guide inspiré qui indique, au-delà des scories du présent, les chemins d'une véritable morale.
Le vers célèbre du sonnet Correspondances de Baudelaire donne une définition bien connue de la synesthésie, cette expérience subjective dans laquelle des perceptions relevant d'une modalité sensorielle sont accompagnées de sensations relevant d'une autre.
C'est à ce titre que le poète des Fleurs du Mal est considéré comme un ancêtre du Symbolisme, même si d'autres avant lui (Swedenborg, Hugo, Nerval) ont exprimé leur foi panthéiste de cette manière.
Pour les Symbolistes en tout cas, l'analogie qu'ils souhaitent évoquer entre le monde sensible et l'Idée trouve ici son fondement essentiel.
Proche d'un certain Romantisme, le Symbolisme s'en éloigne en tout cas par sa volonté de s'élever au-dessus des masses.
Convaincu que le poème se mérite et exige donc du lecteur une activité de déchiffrement, il manifeste en outre un rejet définitif des mots d'ordre qui mobilisent les foules.
Ces choix se révèlent clairement dans le culte du mot rare, de la syntaxe disloquée, et plus généralement dans l'intellectualisme de l'inspiration, tous aspects contre lesquels réagira le Surréalisme.