Guillaume Apollinaire est l'un des plus grands poètes français du début du XXe siècle, auteur notamment du Pont Mirabeau,
écrivit également quelques nouvelles et romans érotiques, et fut l'inventeur du calligramme (terme de son invention désignant ses poèmes écrits en forme de dessins).
Il fut le chantre de toutes les avant-gardes artistiques, notamment le cubisme, poète et théoricien de l'Esprit nouveau, et précurseur du surréalisme dont il a forgé le nom.
Né à Rome, le 26 août 1880, fils naturel d’un officier italien et d’une aristocrate polonaise, Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, passe le plus clair de son enfance en Italie, puis sur la Côte d’Azur où il fréquente les lycées de Monaco, de Cannes et de Nice.
Arrivé à Paris en 1899, il occupe divers emplois gagne-pain avant d’être engagé comme précepteur en Rhénanie.
Ce séjour d’un an en Allemagne (1901-1902) lui fournira les thèmes d’inspiration et le titre de ses neuf poésies «!Rhénanes!», rassemblées dans le recueil Alcools en 1913.
C’est aussi en Allemagne qu’il fera la rencontre d’une jeune Anglaise, Annie Playden - profondément épris, il sera éconduit -, expérience qui lui inspirera «!la Chanson du mal-aimé!», qui paraîtra pour la première fois en revue en 1909.
De retour à Paris (1903), il se lie d’amitié avec Alfred Jarry et André Salmon et collabore à plusieurs journaux littéraires, avant de fonder sa propre revue, le Festin d’Ésope (1903-1904), dans laquelle il donne une première version de l’Enchanteur pourrissant, œuvre poétique en prose.
Pour subvenir à ses besoins et par goût pour la littérature «libre», il entreprend bientôt la rédaction de romans érotiques, publiés sous le manteau (les Onze Mille Verges, 1906, les Exploits d’un jeune don Juan, 1911), édite des ouvrages «libertins» pour la collection «les Maîtres de l’amour», et établit des anthologies de l’Arétin, de Sade, de Nerciat et de Mirabeau.
À la même époque, il fait la rencontre du peintre Marie Laurencin (1908), qui l’introduit dans les milieux artistiques d’avant-garde et aura sur lui une influence durable.
Devenu l’ami de Vlaminck, de Derain, de Picasso, de Braque et de Matisse, il se fait le défenseur de l’«art nouveau», sujet de la conférence remarquée qu’il fera au Salon des indépendants en 1908.
L’année suivante, l’Enchanteur pourrissant paraît en volume, illustré par Derain de gravures sur bois.
Peuplée de personnages mythiques empruntés aux romans de la Table ronde (Merlin, Viviane, Morgane), cette œuvre de jeunesse, dont les surréalistes feront plus tard l’éloge, se veut une célébration des légendes de l’Occident (voir Arthurien, cycle).
Toutefois, y sont sous-jacents des thèmes très personnels, comme le mystère de l’origine et le secret des pouvoirs de l’enchanteur-poète, à la fois menacé et inspiré par les forces vives de l’amour.
En 1910, Apollinaire publie l’Hérésiarque et Cie (recueil de seize contes merveilleux), puis, en 1911, les courts poèmes du Bestiaire ou Cortège d’Orphée, illustrés par Raoul Dufy de gravures sur bois. Alors que prend fin sa liaison avec Marie Laurencin, il fait paraître un essai théorique consacré à l’art contemporain, les Peintres cubistes, méditations esthétiques (1913) et Alcools, recueil de ses meilleurs poèmes écrits entre 1898 et 1912.
Composée à la manière d’une toile cubiste (juxtaposant des évocations et des sensations relevant de registres temporels et culturels différents), écrite en vers libres (où sont toutefois préservées la rime et l’assonance), sans aucune ponctuation (que le poète a supprimée lors des corrections d’épreuves), cette œuvre renouvelle en profondeur la poésie française, conduite pour la première fois «aux frontières de l’illimité et de l’avenir».
Par la diversité de son inspiration, qui associe strophes bouffonnes et pathétiques, pages épiques exhumant de vieilles légendes rhénanes et chansons issues de la tradition populaire, portant l’empreinte de François Villon ou des romantiques, Alcools inaugure une perception nouvelle du monde et annonce par certains de ses accents le proche avènement du surréalisme.
Cette fascination pour la modernité amène d’ailleurs Apollinaire à soutenir le futurisme de Marinetti et à défendre bientôt la peinture « métaphysique » de De Chirico.
Influencé par la poésie symboliste dans sa jeunesse, admiré de son vivant par les jeunes poètes qui formèrent plus tard le noyau du groupe surréaliste (Breton, Aragon, Soupault),
Apollinaire est l'inventeur du terme « surréalisme », il révéla très tôt une originalité qui l'affranchit de toute influence d'école et qui fit de lui un des précurseurs de la révolution littéraire de la première moitié du XXe siècle.
Son art n’est fondé sur aucune théorie mais sur un principe simple : l’acte de créer doit venir de l’imagination, de l’intuition car il doit se rapprocher le plus de la vie, de la nature.
Mais l’artiste ne doit pas l’imiter, il doit la faire apparaître selon son propre point de vue, de cette façon, Apollinaire parle d’un nouveau lyrisme.
L’art doit alors s’affranchir de la réflexion pour pouvoir être poétique.
« Je suis partisan acharné d’exclure l’intervention de l’intelligence, c’est-à-dire de la philosophie et de la logique dans les manifestations de l’art.
L’art doit avoir pour fondement la sincérité de l’émotion et la spontanéité de l’expression : l’une et l’autre sont en relation directe avec la vie qu’elles s’efforcent de magnifier esthétiquement » dit Apollinaire .
L’œuvre artistique est fausse en ceci qu'elle n'imite pas la nature, mais elle est douée d'une réalité propre, qui fait sa vérité.
Apollinaire se caractérise par un jeu subtil entre modernité et tradition.
Il ne s’agit pas pour lui de se tourner vers le passé ou vers le futur mais de suivre le mouvement du temps.
Dans Méditations esthétiques, Partie I : Sur la peinture, il écrit : « On ne peut transporter partout avec soi le cadavre de son père, on l’abandonne en compagnie des autres morts.
Et l’on se souvient, on le regrette, on en parle avec admiration.
Et si on devient père, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un de nos enfants veuille se doubler pour la vie de notre cadavre.
Mais nos pieds ne se détachent qu’en vain du sol qui contient les morts » .
C’est ainsi que le calligramme substitue la linéarité à la simultanéité et constitue une création poétique visuelle qui unit la singularité du geste d'écriture à la reproductibilité de la page imprimée.
Apollinaire prône un renouvellement formel constant (vers libre, monostiche, création lexicale, syncrétisme mythologique).
Enfin, la poésie et l’art en général sont un moyen pour l’artiste de communiquer son expérience aux autres.
C’est ainsi qu’en cherchant à exprimer ce qui lui est particulier, il réussit à accéder à l’universel.
Enfin, Apollinaire rêve de former un mouvement poétique global, sans écoles, celui du début de XXe siècle, période de renouveau pour les arts et l'écriture, avec l'émergence du cubisme dans les années 1910, du futurisme italien en 1909 et du dadaïsme en 1916.