Maurice Carême est né le 12 mai 1899, rue des Fontaines, à Wavre, dans une famille modeste.
Il est ce qu'il est convenu d'appeler un poète belge d'expression française.
Son père, Joseph, est peintre en bâtiment, sa mère, Henriette Art, tient une petite boutique où les gens humbles du quartier viennent faire leurs menus achats.
Une sœur aînée, Joséphine, est morte âgée d’un jour en 1898, une autre sœur, Germaine, naîtra en 1901 ; deux frères : Georges, en 1904 ; Marcel, en 1907.
Ce dernier mourra à l’âge de huit mois.
Maurice Carême passe à Wavre une enfance campagnarde si heureuse qu’elle sera une des sources d’inspiration de son œuvre.
Il fait des études primaires et secondaires dans sa ville natale.
En 1914, il écrit ses premiers poèmes, inspirés par une amie d’enfance, Bertha Detry, dont il s’est épris.
Elève brillant, il obtient, la même année, une bourse d’études et entre à l’Ecole normale primaire de Tirlemont.
Son professeur, Julien Kuypers, l’encourage à écrire et lui révèle la poésie française du début du XXème siècle.
C’est à Tirlemont également que Maurice Carême découvre les grands poètes de Flandre.
Il est nommé instituteur en septembre 1918 à Anderlecht-Bruxelles.
Il quitte Wavre pour s’installer dans la banlieue bruxelloise.
L’année suivante, il dirige une revue littéraire, Nos Jeunes, qu’il rebaptise en 1920 La Revue indépendante.
Il noue alors ses premiers contacts littéraires et artistiques (avec Edmond Vandercammen en 1920 et, en 1926, avec le peintre Felix De Boeck).
Il épouse en 1924 une institutrice, Andrée Godron (Caprine), originaire de Dison.
Ses premiers recueils:
Son premier recueil de poèmes, 63 Illustrations pour un jeu de l’oie, paraît en décembre 1925.
Entre 1925 et 1930, il est fasciné par les mouvements surréalistes et futuristes.
Il publie, en 1926, Hôtel bourgeois, en 1930, Chansons pour Caprine où apparaissent les reflets d’une vie sentimentale assez douloureuse, puis, en 1932, Reflets d’hélices.
Mais, au moment de cette publication – sans doute la plus marquée par les écoles littéraires de l’époque – il a déjà pris ses distances vis-à-vis d’elles.
La poésie pour les enfants:
Il a fait, en 1930, une découverte qui va s’avérer essentielle pour toute sa démarche poétique – voire romanesque – celle de la poésie écrite par les enfants.
C’est, pour Maurice Carême, une remise en question fondamentale au cours de laquelle il revient à une grande simplicité de ton. Il publie d’ailleurs deux essais consacrés à ces textes d’enfants dont il fut l’éveilleur : en 1933, Poèmes de gosses et Proses d'enfants, en 1936.
Il fut avec Géo Norge, Pierre Bourgeois, Georges Linze, Claire et Yvan Goll, André Salmon, Edmond Vandercammen, René Verboom, l’un des fondateurs du Journal des poètes, en 1931.
En 1933, il termine des études de déclamation au Conservatoire de Bruxelles, dans la classe de Madeleine Renaud-Thévenet.
Il obtient un Premier prix. La même année, il fait construire, avenue Nellie Melba, à Anderlecht, la Maison blanche, à l’image des maisons anciennes de son Brabant.
Elle deviendra, en 1975, le siège de la Fondation Maurice Carême et le Musée Maurice Carême, en 1978.
Le recueil Mère paraît en 1935.
La simplicité profonde des vers lui vaut d’être remarqué par de nombreux critiques littéraires parisiens, dont celui du Mercure de France.
L’œuvre reçoit, en 1938, le Prix Triennal de poésie en Belgique et inspire à Darius Milhaud sa Cantate de l’enfant et de la mère (Première mondiale au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le 18 mai 1938).
En 1943, Maurice Carême quitte l’enseignement pour se consacrer entièrement à la littérature. Il se lie la même année avec Jeannine Burny pour laquelle il écrit La bien-aimée en 1965. Secrétaire du poète jusqu’à la mort de celui-ci, elle préside à présent la Fondation Maurice Carême.
En 1947, paraît La lanterne magique. L'impact sur la jeunesse est immédiat. Les enfants se reconnaissent littéralement dans cette oeuvre. Rapidement, le nom de Maurice Carême se voit associé grâce à cet aspect de l'oeuvre à celui de poète de l'enfance.
De nombreuses œuvres paraissent et sont couronnées par des prix littéraires en Belgique et à l’étranger : Prix Victor Rossel (1948), Prix de l’Académie française (1949 et 1954), Prix international Syracuse (1950), Prix populiste de poésie (1951), Médaille de la Ville de Sienne (1956), Prix Félix Denayer (1957), Prix de la poésie religieuse (1958), Prix du Président de la République française (1961), Prix de la Province de Brabant (1964), Prix de la traduction néerlandaise (1967), Grand Prix international de poésie (France, 1968), Prix européen (Italie, 1976) .
Les années 1950-1951 sont marquées pour Maurice Carême par une nouvelle remise en question de son art. Il tente d’allier la simplicité complexe de ses vers à la magie de l’image. « Ymagier », comme on l'a dénommé dès les années 1930, il va opérer cette véritable alchimie poétique grâce à des images dont l’adéquation au texte sera telle qu’on ne verra plus de celui-ci que la nudité transparente.
A la Pentecôte 1954, Maurice Carême fait un premier séjour à l’abbaye d’Orval. C’est le début d’une période d’intense créativité, doublée d’une patiente mise au point de l’œuvre, qui ne s’interrompra qu’avec la mort. A Orval, il écrit Heure de grâce qui paraît en 1957. Maurice Carême approfondit la lecture des grands mystiques, des philosophes, des sages de l’Inde, de la Chine, se penche sur le Zen, reprend les œuvres de Teilhard de Chardin, de Rabindranath Tagore. Il fera dix-sept séjours à Orval de 1954 à 1970, mais il écrit aussi dans le Brabant (particulièrement dans la région wavrienne, son lieu privilégié d’inspiration), devant la Mer de Nord (à Coxyde, dans l’appartement du peintre Henri-Victor Wolvens, et à Heyst).
Le 9 mai 1972, il est nommé Prince en poésie à Paris. Pendant les six années qui lui restent à vivre, il part écrire durant l’été en France, publie quatorze recueils de poèmes, un roman fantastique : Médua, un choix de traductions des poètes de Flandre. Trois anthologies de ses poèmes paraissent, plusieurs disques sont gravés.
Il crée le 4 décembre 1975 la Fondation Maurice Carême, fondation d’utilité publique. Il meurt le 13 janvier 1978 à Anderlecht laissant onze œuvres inédites parmi les plus graves qu’il ait écrites. Il est enterré à Wavre dans un lieu où il a joué, enfant (Mausolée Maurice Carême).
Regard sur son oeuvre:
L’œuvre de Maurice Carême comprend plus de quatre-vingts recueils de poèmes, contes, romans, nouvelles, essais, traductions. Elle n'a cessé de fasciner les musiciens tant les compositeurs que les chansonniers. De nombreuses anthologies de ses poèmes ont été publiées. Des essais, des disques, des films, des DVD lui sont consacrés. L’œuvre, couronnée par de nombreux prix littéraires, est traduite dans le monde entier et mise en musique par plus de trois cents musiciens. Un colloque consacré à son œuvre et réunissant des personnalités littéraires, artistiques et universitaires de Belgique, de Bulgarie, de l’Equateur, de France, de Hongrie, du Japon, de Pologne, de Roumanie, s’est tenu à Bruxelles, en novembre 1985, sous l’égide de la Commission française de la Culture de l’Agglomération de Bruxelles et de la Fondation Maurice Carême.
Le regard que Maurice Carême porte sur son enfance
traduit un perpétuel étonnement devant toute chose, si simple soit-elle.
Ce don d'émerveillement, que le poète possède ainsi qu'une grâce,
confère à son art la fraîcheur et la finesse propres à l'imagination de l'enfance.
La simplicité du ton n'exclut cependant pas un travail rigoureux en ce qui concerne la technique poétique.
Celle-ci requiert une patience et des efforts de dépouillement digne du métier d'artisan.
Maurice Carême se considérait lui-même comme un "ciseleur de mots", "un sculpteur d'images".
Cette dernière affirmation vaut certainement pour la poétique de Brabant.
le phrasé simplifié des poèmes est traversé par un envol d'images extêmement suggestives.
Préférence est accordée à l'octosyllabe, qui permet à Maurice Carême de donner sa véritable mesure.
On trouve d'autres mètres: l'alexandrin est bien représenté, ainsi que l'hexasyllabe.
De longueurs moyennes, les poèmes ne dépassent que rarement les quatre ou cinq strophes.
La concision, fait en effet partie de l'art de Maurice Carême.
La prosodie de Brabant offre une similitude frappante avec celle de Souvenirs, recueil resté inédit.
« On assigne à la poésie un rôle trop élevé, remarquait Maurice Carême. On lui demande une explication du monde, alors qu’elle ne devrait être qu’une exaltation de la vie (…) Le poète est l’homme qui parle aux autres hommes de tout ce qui donne du prix à l’existence. »
Là est le secret de Maurice Carême : il nous parle de l’homme, de chacun de nous. Et chacun se sent compris et touché par ce qu’il dit. « Maurice Carême, écrivait le critique Laszlo Ferenczi, est un poète de la grandeur et de la misère humaine. Concises, discrètes et pénétrantes, sa poésie et sa prose nous parlent de la solitude profonde de l’homme et la joie de l’existence. »