Figure marquante de la vie littéraire du XIXème siècle, Théophile Gautier aborda autant la critique d'art que le conte fantastique ou le récit historique.
Grâce à sa théorie de « l'art pour l'art », il est surtout connu pour être le maître du mouvement poétique du Parnasse.
Ecrivain français, il s’illustra comme poète, auteur de contes fantastiques et critique d’art et fut l’auteur d’un célèbre roman de cape et d’épée, le Capitaine Fracasse.
Gautier a connu la disgrâce d'être un poète proscrit sans être un poète maudit. Il n'en demeure pas moins un merveilleux professeur d'écriture.
La bataille romantique
Né à Tarbes le 30 août 1811, Théophile Gautier était issu d’une famille de petite bourgeoisie avec laquelle il vint rapidement s’établir à Paris.
Il fréquenta quelques théâtres dont l'Opéra où il fit jouer des fantaisies, danser des ballets. On lui connaît quelques amours, un fils, des filles. Mais on ne le trouve vraiment que dans son œuvre, dans ses poèmes, et plus particulièrement dans ses « Salons », sa critique d'art et ses relations de voyages.
Il se destinait initialement à une carrière de peintre, mais, le 27 juin 1829, il fit une rencontre décisive, celle de Victor Hugo, qui lui donna aussitôt le goût de la littérature.
Le romantique engagé
Dès 1814, Théophile Gautier quitte ses « montagnes bleues » des Pyrénées et s'installe avec sa famille à Paris.
Au collège Charlemagne, il fait la connaissance de Gérard Labrunie (le futur Gérard de Nerval) avec qui il partage un goût pour les poètes latins dits décadents, les « grotesques ».
Il fréquente alors l'atelier du peintre Louis Édouard Rioult (1790-1855) et se destine à une carrière de peintre.
Mais, en 1829, Nerval l'introduit dans les milieux littéraires. Par l'intermédiaire de Pétrus Borel, Gautier rencontre Victor Hugo, lequel lui fait prendre conscience de sa vocation d'écrivain.
Lié à la jeunesse romantique, Gautier se passionne pour les débats artistiques et, lors de la bataille d'Hernani en 1830, il se fait le défenseur de Hugo en arborant, le soir de la première représentation, un gilet rouge flamboyant.
Cette image aura valeur de symbole et Gautier deviendra bientôt prisonnier de cette légende.
Le conteur fantastique
Quelques mois plus tard, en pleine révolution de juillet 1830, Gautier publie son premier recueil, Poésies.
Toutefois, dès 1833, il proclame sa méfiance pour les rêveries sentimentales du romantisme dans un recueil de nouvelles, les Jeunes-France, romans goguenards.
Parallèlement, il montre un vif intérêt pour l'écriture de récits fantastiques.
Admirateur d'Hoffmann, Gautier avait publié la Cafetière en 1831. Il va cultiver le genre tout au long de sa carrière, sous la forme de contes ou de nouvelles. Ainsi, on lui doit notamment Omphale (1834), la Morte amoureuse (1836), Fortunio (1837), le Pied de momie (1840), Arria Marcella (1852), Avatar (1856), Jettatura (1856) et Spirite (1865).
Le fantastique qui jalonne l'ensemble de l'œuvre du conteur est moins lié aux sujets qu'à leur expression, c'est un fantastique plus esthétique et ironique (plus proche de « l'art pour l'art » prôné par Gautier) que gothique.
Le chantre de la beauté
En 1835, reprenant et développant sa préface d'Albertus (1832), Gautier consacre en effet le principe théorique de « l'art pour l'art » dans sa préface de Mademoiselle de Maupin.
L'auteur donne ses mots d'ordre : respect de l'art, culte de la beauté, amour du métier : « L'art, écrit-il, c'est la liberté, le luxe, l'efflorescence, c'est l'épanouissement de l'âme dans l'oisiveté. »
Désormais, les outrances romantiques sont bannies ; seule compte la beauté.
Après le succès de l'opéra Giselle (1841) dont il écrit le livret, après les passionnants récits de voyages que sont Tra los montes (1843, publié ensuite sous le titre Voyage en Espagne) et Voyage en Italie (1852), après les vers d'España (1845), Gautier aboutit enfin à la facture ciselée du recueil de poèmes Émaux et Camées (1852).
Le sujet importe moins que les mots et leur agencement.
À cette date, le Parnasse reconnaît Gautier pour son maître.
Pour autant, dans cette seconde moitié du XIXème siècle, l'œuvre de Gautier ne se limite pas à une recherche formelle confinant à la préciosité.
Ce sont aussi d'innombrables chroniques d'art et de littérature qui paraissent dans la Presse d'Émile de Girardin et qui sont bientôt réunies en volumes (les Beaux-Arts en Europe, 1855 ; l'Art moderne, 1856 ; Trésors d'art de la Russie ancienne et moderne, 1859).
Ce sont de célèbres romans historiques (le Roman de la momie, 1858 ; le Capitaine Fracasse, 1863).
Ce sont encore un récit de voyage (Voyage en Russie, 1866) et un essai (Histoire du romantisme, 1872).
« Les deux Muses de Gautier sont la Volupté et la Mort », écrit Baudelaire.
Pour échapper à ces deux tentations qui le hantent, le poète se tournera jusqu'à sa mort vers un rêve de beauté : « l'art pour l'art » sera pour lui un effort de tous les instants pour donner un sens à sa vie, la recherche inquiète du parfait trahissant son désir de rendre éternel ce qui n'est qu'éphémère et provisoire.
Aux yeux de Gautier, l'art restera ainsi la seule source de salut dans la morosité des jours.
Le forçat de la presse
En 1836, Gautier édita son premier article dans la Presse, le nouveau journal d’Émile de Girardin, pour lequel il travailla jusqu’en 1855, puis il se consacra au Moniteur universel jusqu’en 1868.
Gautier écrivit quelque mille deux cents articles, tout en se plaignant du joug que lui imposait la presse quotidienne - son seul véritable gagne-pain qui était aussi, selon lui, un obstacle matériel à la réalisation d’une œuvre littéraire.
Malgré ses difficultés matérielles, Théophile Gautier devint un poète presque officiel à la fin de sa carrière, sous l’Empire en 1868, il fut nommé bibliothécaire de la princesse Mathilde.
À sa mort, survenue le 23 octobre 1872, Victor Hugo et Mallarmé témoignèrent de l’importance de cet écrivain par deux poèmes qui furent réunis sous le titre de Tombeau de Théophile Gautier (1873).
En 1857, Baudelaire lui avait dédié ses Fleurs du mal par ces vers élogieux : « Au poète impeccable, au parfait magicien ès lettres françaises, à mon très cher et très vénéré, maître et ami, Théophile Gautier … »
Regard sur son oeuvre
L’image que l’on retient aujourd’hui de Gautier est celle d’un partisan presque fanatique de Victor Hugo et d’un romantique échevelé.
Or, s’il est vrai que ses poèmes des années 1830 sont marqués par une thématique sombre, voire par un humour macabre (qui caractérise, par exemple, le dialogue entre « la Trépassée et le Ver », dans la Comédie de la mort), Gautier se distingue nettement des autres romantiques par son souci formaliste, qui annonce celui de Baudelaire et des Parnassiens.
Dans l’ensemble de l’œuvre de Gautier, en effet, le sujet importe moins que les mots et le plaisir de raconter : davantage encore qu’un partisan de l’art pour l’art, il fut un esthète, privilégiant d’une manière provocatrice l’esthétique au détriment des autres fonctions de l’œuvre, en particulier de ses fonctions morales. Cet esthétisme est le principal point commun entre ses poèmes, Émaux et Camées (1852) et ses grands romans, comme le Roman de la momie (1858) ou le Capitaine Fracasse (1863), paru en feuilleton de 1861 à 1863. Émaux et Camées, qui se situe à la croisée du romantisme et de la poésie parnasienne, illustre idéalement les principes esthétiques de Gautier et son exigence de perfection.
Chaque poème, composé en octosyllabes, est la représentation textuelle, parfaitement ciselée, d’un objet choisi pour sa beauté, qu’il soit réel ou mythologique, vivant ou minéral, naturel ou produit par l’Homme.
Il n'est pas indifférent que le pays où est né Gautier, où il a vécu peu de temps, où il est retourné longtemps après, en 1859, soit un paysage fort et âpre, situé sur la route de l'Espagne. Le chaud génie du Midi respire là, plus plastique que musical, avec une pointe gasconne qui percera dans Le Capitaine Fracasse (1863).
Il n'est pas indifférent non plus que sa vocation initiale et sa première profession aient été la peinture. Ce sont des sensations de peintre qu'il conserva de ses voyages.