De son vrai nom Étienne Mallarmé, Stéphane Mallarmé naquit le 18 mars 1842, à Paris.
Orphelin de mère, enfant sensible et solitaire, il fut placé dans diverses pensions, à Auteuil puis à Sens, où il passa des années malheureuses.
Il était destiné par sa famille à entrer dans l’administration mais, passionné par Edgar Allan Poe, «le poète las que la vie étiole», il préféra se tourner vers l’enseignement de l’anglais, à Tournon, Besançon, Avignon et enfin à Paris à partir de 1871.
L’essentiel de l’existence de Stéphane Mallarmé réside en vérité dans son expérience poétique et spirituelle.
Influencé par Théophile Gautier mais plus encore par Charles Baudelaire et par Edgar Poe, Stéphane Mallarmé commença très jeune à écrire des poèmes dans l’ombre des parnassiens.
Ceux qu’il envoya en 1866 au Parnasse contemporain furent tous acceptés. Parmi eux, «l’Azur» ou «Brise marine» sont devenus célèbres.
Ces premiers poèmes, écrits entre 1862 et 1864, reprennent l’écriture et les motifs baudelairiens pour exprimer la douleur d’un idéal inaccessible.
En 1866, l’œuvre connut un tournant («je suis mort et ressuscité»).
Stéphane Mallarmé collabora encore à diverses revues, publiant une traduction de Poe, «le Corbeau», dans la Renaissance artistique et littéraire (1874) et donnant divers essais, comme «le Démon de l’analogie», paru dans la Revue du monde nouveau (1874).
C’est à partir de 1870 que sa poésie devint plus personnelle et plus hermétique. Les audaces lexicales et syntaxiques signent alors la «disparition élocutoire du poète, qui cède l’initiative aux mots» : citons «Le vierge et le vivace et le bel aujourd’hui…», «Une dentelle s’abolit…», et le sonnet en yx («Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx…»).
Stéphane Mallarmé composa alors un de ses chefs-d’œuvre, Hérodiade, pièce poétique sur la difficulté d’être et sur l’absence se présentant comme un fragment de drame en vers.
Mallarmé déclarait que son but était d’y «peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit».
La pièce fut publiée à l’état fragmentaire dans le deuxième Parnasse en 1871, mais ne fut jamais achevée.
Son poème l’Après-midi d’un faune ayant été refusé par Lemerre en 1874, Mallarmé se consacra à des travaux littéraires plus «aisés», comme la rédaction d’une préface au conte Vathek de William Beckford (1876).
Il écrivit aussi, parmi d’autres «tombeaux et hommages», le Tombeau d’Edgar Poe (1877), un livre scolaire (les Mots anglais) et l’adaptation française d’un essai de mythologie de G. W. Cox, les Dieux antiques (1880).
Ces deux derniers ouvrages gardent des traces des réflexions de Mallarmé sur le langage.
L’Après-midi d’un faune fut finalement publié en 1876.
En 1877, Mallarmé mit au point un recueil de ses poèmes, les Poésies de Stéphane Mallarmé (1887), puis son Album de vers et de prose (1887).
L’année suivante, il fit paraître ses traductions des poèmes de Poe.
Peu à peu, son œuvre poétique avait été reconnue, notamment grâce à Paul Verlaine et ses Poètes maudits (1883) et grâce à Joris-Karl Huysmans (avec À rebours, 1884), à qui en retour le poète rendit hommage avec Prose pour Des Esseintes en 1885.
Mallarmé commença alors à être connu dans un milieu restreint et ses «mardis», au 89 de la rue de Rome, attirèrent bientôt, aux côtés des vieux symbolistes, une cour de jeunes écrivains : Gustave Kahn, Saint-Pol Roux, Henri de Régnier, Paul Claudel, Paul Valéry, André Gide et Pierre Louÿs.
À sa retraite en 1893, Mallarmé s’installa dans sa maison de campagne à Valvins, près de la Seine, pour composer son Grand œuvre, le «Livre», mais il fut emporté prématurément, le 9 septembre 1898, alors qu’un poème qui condensait une grande partie de ses aspirations poétiques venait de paraître dans la revue Cosmopolis, «Un coup de dés jamais n’abolira le hasard» (1897).
Stéphane Mallarmé a longtemps suscité la raillerie ou la colère : écrire de l'inintelligible est une perversité.
Mais il avait su fasciner quelques artistes, parmi les plus grands : Gide, Claudel, Valéry, Gauguin, Debussy.
Ils l'ont imposé.
Mallarmé a des fidèles, mais peut-être pas de disciples ; il apparaît d'emblée comme un classique éloigné, admirable, inimitable.
Après lui, la poésie française s'oriente vers d'autres voies que la sienne.
Son œuvre, assez mince, fait l'objet de nombreuses exégèses.
Les admirateurs fascinés s'efforcent de comprendre, multiplient les commentaires, les clés.
Un grand pas est franchi quand la « modernité » des années 1960 met en avant la notion de « texte », étudie en Mallarmé le théoricien.
C'est lui, dit-on, qui a consommé la rupture avec la tradition d'une poésie expressive, d'une littérature de la représentation.
On le compare à Joyce, à Nietzsche.
On en ferait presque un fournisseur de concepts.
Pour Mallarmé, la poésie est une religion et le poète, son prêtre.
Loin au-dessus des contingences de la vie ordinaire, tout comme Baudelaire qui cherchait l'Idéal dans l'élévation le portant au-delà des miasmes morbides, Mallarmé a voulu créer une langue sacrée, inaccessible au commun des mortels, et qui ne dirait que l'Essentiel.
Les mots ont été salis par les usages quotidiens qui en ont été faits, et Mallarmé comptait leur redonner la pureté de leur origine.
En défaisant la syntaxe de la phrase française (À la nue), en jouant sur des sonorités rares, étranges ou savamment balancées, en œuvrant sur les blancs typographiques, le poète, par l'hermétisme, a créé un art à portée mystique, religieuse.
Dès lors, l'expérience poétique acquiert une exigence de plus en plus haute, de plus en plus ardue aussi.
Pour le poète d'abord, qui doit se montrer digne de sa vocation : ainsi, chez Mallarmé, l'angoisse de la feuille blanche, c'est d'abord la crainte de la salir par une inspiration trop banale, incapable d'atteindre l'Azur.
Poésie d'exigence pour le lecteur aussi, toujours sur le point de comprendre l'Idée, presque capable de remonter à la source où la pensée a jailli, mais qui, en définitive, perd pied encore et encore.