Emile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand d'expression française.
Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d'une grande musicalité.
Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.
La Belgique ne tarda pas à reconnaître en Verhaeren son plus grand poète lyrique, suivie de l'Europe, par le canal du Mercure de France.
On a dit de lui qu'il était un « grand Barbare doux », et le mot est aussi joli que juste.
Verhaeren naquit à Saint-Amand , au bord de l'Escaut, dans une famille aisée où on parlait le français, tandis qu'au village et à l'école régnait le flamand.
C'est là que, jusqu'à l'âge de douze ans, « il joue avec le vent, cause avec le nuage », entre un père retiré des affaires (il était drapier à Bruxelles), une mère douce et attentive, et le frère de celle-ci, dont l'huilerie voisine crachait ses fumées sur l'Escaut.
Après deux ans passés à l'institut Saint-Louis de Bruxelles, il entre, à quatorze ans, au collège Sainte-Barbe de Gand, cette pépinière de poètes flamands d'expression française.
Ses études achevées, il vint partager pendant un an le bureau de l'oncle.
Puis il partit pour l'université de Louvain et, en 1881, pour Bruxelles, où il s'inscrivit comme avocat stagiaire.
Edmond Picard eut tôt fait de lui indiquer la voie de la poésie dans laquelle déjà Verhaeren ne demandait qu'à s'engager.
Chaque semaine, l'écrivain socialiste Edmond Picard tenait à Bruxelles un salon où le jeune Verhaeren put rencontrer des écrivains et des artistes d'avant-garde.
C'est alors qu'il décida de renoncer à une carrière juridique et de devenir écrivain.
Il publiait des poèmes et des articles critiques dans les revues belges et étrangères, entre autres L'Art moderne et La Jeune Belgique.
Comme critique d'art, il soutint de jeunes artistes tels que James Ensor.
En 1883, il publia son premier recueil de poèmes réalistes-naturalistes, Les Flamandes, consacré à son pays natal.
Accueilli avec enthousiasme par l'avant-garde, l'ouvrage fit scandale au pays natal.
Ses parents essayèrent même avec l'aide du curé du village d'acheter la totalité du tirage et de le détruire.
Le scandale avait été un but inavoué du poète, afin de devenir connu plus rapidement.
Il n'en continua pas moins par la suite à publier d'autres livres de poésies.
Des poèmes symbolistes au ton lugubre caractérisent ces recueils, Les Moines, Les Soirs, Les Débâcles et Les Flambeaux noirs.
En 1891, il épousa Marthe Massin, peintre connue pour ses aquarelles, dont il avait fait la connaissance deux ans plus tôt, et s'installa à Bruxelles.
Son amour pour elle s'exprime dans trois recueils de poèmes d'amour : Les Heures claires, Les Heures d'après-midi et Les Heures du soir.
Dans les années 1890, Verhaeren s'intéressa aux questions sociales et aux théories socialistes et travailla à rendre dans ses poèmes l'atmosphère de la grande ville et son opposé, la vie à la campagne.
Il exprima ses visions d'un temps nouveau dans des recueils comme Les Campagnes hallucinées, Les Villes tentaculaires, Les Villages illusoires et dans sa pièce de théâtre Les Aubes.
Ces poèmes le rendirent célèbre, et son œuvre fut traduite et commentée dans le monde entier.
Il voyagea pour faire des lectures et des conférences dans une grande partie de l'Europe.
Beaucoup d'artistes, de poètes et d'écrivains comme Georges Seurat, Paul Signac, Auguste Rodin, Edgar Degas, August Vermeylen, Henry van de Velde, Maurice Maeterlinck, Stéphane Mallarmé, André Gide, Rainer Maria Rilke, Gostan Zarian et Stefan Zweig l'admiraient, correspondaient avec lui, cherchaient à le fréquenter et le traduisaient.
Les artistes liés au futurisme subissaient son influence.
Emile Verhaeren était aussi un ami personnel du roi Albert et de la reine Élisabeth ; il fréquentait régulièrement toutes les demeures de la famille royale.
Quand en 1914 la Première Guerre mondiale éclata et que, malgré sa neutralité, la Belgique fut occupée par les troupes allemandes, Verhaeren se trouvait en Allemagne et était au sommet de sa gloire.
Il écrivit des poèmes pacifistes et lutta contre la folie de la guerre dans les anthologies lyriques : La Belgique sanglante, Parmi les Cendres et Les Ailes rouges de la Guerre.
Sa foi en un avenir meilleur se teinta pendant le conflit d'une résignation croissante.
Il n'en publia pas moins dans des revues de propagande anti-allemandes et tenta dans ses conférences de renforcer l'amitié entre la France, la Belgique et le Royaume-Uni.
Après l'une de ces conférences à Rouen, il mourut accidentellement, ayant été poussé par la foule, nombreuse, sous les roues d'un train qui partait.
Le gouvernement français voulut l'honorer en l'ensevelissant au Panthéon, mais la famille refusa et le fit enterrer au cimetière militaire d'Adinkerke.
En raison du danger que représentait l'avancée des troupes, ses restes furent encore transférés pendant la guerre à Wulveringem avant d'être en 1927 définitivement enterrés dans son village natal de Saint-Amand où depuis 1955 un musée, le musée provincial Émile Verhaeren, rappelle son souvenir.
Verhaeren, certes, fut souvent loué, parfois même compris, et quelquefois injustement méprisé.
Du « grand Barbare doux » certains n'ont voulu retenir que le « Barbare ».
Il n'appartient à aucune école.
Enfin, ce romantisme socialiste auquel généreusement il rêvait a fait place à des réalités plus rudes.
Verhaeren est l'un des rares grands poètes d'expression française à ne survivre que dans les anthologies.
Les œuvres elles-mêmes, aujourd'hui dispersées dans les bibliothèques et les greniers, ne sont plus accessibles.
De sorte que l'on assiste à l'évolution d'un monde que le poète vit naître et dont il traduisit la naissance avec une fougue et un talent comparables à ceux d'un Walt Whitman sans pouvoir s'y référer.